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Concours Raymond-Labonté : La Chocolaterie des Pères Trappistes de Mistassini

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En tant que partenaire promotionnel du concours d’histoire Raymond-Labonté, la Société d’histoire et de généalogie Maria-Chapdelaine publie les 7 textes gagnants de l’édition 2019-2020 du concours sur son blogue. Le concours Raymond-Labonté « se préoccupe de la connaissance de l’histoire et de la condition politique, économique et sociale chez les jeunes1 ». Cette année, les participants devaient composer un texte sous le thème « Explorer l’histoire à travers la mémoire ». La première rédaction présentée pour cette édition-ci du concours a été rédigée par Frédéric Perron, étudiant de la Polyvalente des Quatre-Vents de Saint-Félicien et gagnant du 2e prix au niveau secondaire.

Les Trappistes à Mistassini devant le monastère vers 1900. Source : SHG Maria-Chapdelaine, P110 Fonds Monastère des Pères Trappistes

 

DE FOI À CHOCOLAT
La Chocolaterie des Pères Trappistes de Mistassini

Toute histoire a une fin. Cependant, celle de La Chocolaterie des Pères Trappistes ne s’est jamais terminée puisqu’elle demeure un chaînon important pour notre économie et notre culture régionale. Les créations offertes par les Trappistes ont marqué les villages d’antan et persistent encore aujourd’hui au travers des mémoires. Dans ce texte, je dévoile le cheminement des Trappistes arrivés à Mistassini et plus précisément leur célèbre chocolaterie.

Tout commença en 1890. Le gouvernement souhaitait coloniser de nouvelles régions, dont le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Calixte Marquis, Gérant de Colonisation, contacta les Trappistes d’Oka pour s’entendre sur leur installation dans le secteur. Pour 500 dollars, ces derniers achetèrent trois lots2 qu’occupait le squatter François Gaudreault. Quelques bâtiments y étaient déjà construits, dont un monastère. Les procédures pour acheter l’emplacement furent lentes3. Il fut officiellement détenu par les Trappistes en 1896. Trois moines s’installèrent sur leur nouvelle propriété. Plus tard, de nouveaux arrivants aidèrent à construire le second monastère, achevé en 1893. Leur nombre continua de croître jusqu’à atteindre environ 200 religieux.

En 1908, les Trappistes entamèrent la fabrication de beurre et, peu après, celle du fromage. Le chocolat fit également son entrée graduellement, accompagné de différentes friandises et remèdes4. Ces produits se vendaient au sous-sol du monastère jusque dans les années 40. Néanmoins, les produits laitiers restèrent le coeur de la production à cette période. Le Frère Romuald Jean, le spécialiste du fromage, décéda en 1956, engendrant la fin de cette fabrication, laissant plus de place aux bonbons. La confiserie, autrefois nommée Bonbons Saguenay, fut rachetée par M. Adélard Gagnon, car la Seconde Guerre mondiale rendait la vie difficile à cette dernière. En 1978, elle devint officiellement La Chocolaterie des Pères Trappistes Inc.

Autrefois, des Pères établissaient un contact direct avec environ 500 magasins québécois, livrant leurs commandes à bord d’un panel. À cette époque, l’entreprise devait surtout son succès à la fameuse tire « La Marquise de Paris ». Cent mille livres de celle-ci pouvaient être produites annuellement. Dans les années 50, la tire à la mélasse, à la vanille ainsi qu’aux bleuets faisaient fureur. Malheureusement, la production de bonbons a été interrompue il y a presqu’une décennie puisqu’une modernisation d’équipements s’imposait, et s’avérait non rentable.  La progression fulgurante des ventes de chocolat incita l’entreprise à se concentrer dans ce créneau. De nouveaux produits virent le jour comme les gros oeufs décorés à la main par Père Marcel. C’est à ce moment que furent popularisés la petite poule et les fameux bleuets dans le chocolat. En 1969, Père Gérald Tremblay en eut l’idée en revenant de cueillir des bleuets. Le choix des figurines portait sur le thème animalier, sauf pour l’oeuf qui a une connotation liturgique5. Ensuite, ils ajoutèrent plusieurs autres figurines à leur éventail6. La petite poule, le coq et le chocolat au lait resteront néanmoins leurs éléments emblématiques. Leur chocolat demeure unique avec une recette secrète sans paraffine élaborée spécifiquement pour eux.

Moules en métal de la célèbre petite poule et de l’oeuf utilisés jusque dans les années 90 à la création artisanale de petites poules et d’oeufs de Pâques. Source : Pères Trappistes de Mistassini

De nos jours, les Trappistes de Mistassini ne sont plus que neuf7. Puisqu’il n’y a pas eu de relève depuis maintes années, de 25 à 50 employés travaillent à la chocolaterie. Bien que cela allège énormément la tâche des Pères, quelques-uns s’impliquent encore comme le plus jeune, Père Eddy. Ils s’ouvrent également à d’autres personnes8 pour aider à gérer le commerce dans le but de continuer ce que la communauté religieuse de Mistassini a commencé.

Finalement, le 19 février 2020, l’énorme palier des trois millions de petites poules vendues a été fracassé alors qu’en 2015, le million était franchi! La pureté du chocolat, l’authenticité, la satisfaction des consommateurs et le rapport qualité-prix sont les objectifs qu’ont visés les Trappistes. Ils souhaitent aux prochains détenteurs de la chocolaterie de poursuivre leur projet qui sera longtemps gravé dans nos mémoires. Ceci n’est qu’un début vers un avenir prometteur pour cette fabuleuse entreprise régionale qui nous réserve encore plein de surprises gardées secrètes pour l’instant.

 


NOTES DE BAS DE PAGE (Précisions)
Site web du Concours d’histoire Raymond-Labonté [en ligne : https://concours-histoire.cegepjonquiere.ca/pourquoi-ce-concours.php].
2 Les lots nos 1, 2 et 3 du rang Mistassibi sur le canton Pelletier à Mistassini.
3 M. Euloge Ménard, un marchand de Roberval, possédait une hypothèque sur les terrains de M. Gaudreault et il y aura conflit. Conséquemment, l’affaire ira jusqu’aux tribunaux et sera close que quelques années plus tard en faveur des Trappistes.
4 Il y aura notamment des onguents pour soigner l’eczéma et des sirops contre la toux.
5 Dans la Bible, l’oeuf symbolise la résurrection, car il donne la vie à une poule qui à son tour pondra.
6 Parmi les figurines, le coq, l’écureuil, le lapin, le canard, le poisson et bien d’autres encore étaient présents.
7 En 2020, la moyenne d’âge des neuf membres est de 83 ans.
8 En 2019, 25% des parts de l’entreprise ont été vendues au directeur général M. Dominique Genest.

RÉFÉRENCES

Mgr Calixte Marquis. « Lettre au Premier Ministre Honoré Mercier » : Département de l’Agriculture et de la Colonisation, 21 octobre 1890.
Frédéric Perron. Entrevue avec Père Eddy Augustin sur son parcours en tant que Père dans la Chocolaterie des Pères Trappistes de Mistassini, Dolbeau-Mistassini, 13 février 2020.
Frédéric Perron. Entrevue avec Mme Marie-Claude Gay Coordonnatrice Marketing et tourisme à la chocolaterie, Dolbeau-Mistassini, 13 février 2020.
Frédéric Perron. Entrevue avec Père Marcel Carrier, Trappiste de Mistassini, Mistassini, 13 février 2020.
Chocolaterie des Pères Trappistes. « Accueil », Chocolaterie des Pères, [En ligne : https://www.chocolateriedesperes.com/index.html] (Page consultée le 14 mars 2020).
Chocolaterie des Pères Trappistes. « Publications », Facebook, [En ligne : https://www.facebook.com/pg/ChocolateriedesPeres/posts/?ref=page_internal] (Page consultée le 20 février 2020).
Marie-Claude Gay. Capsules touristiques sur la Chocolaterie des Pères Trappistes de Mistassini, Dolbeau-Mistassini, [s.e.], 2019, p. 6-9.
Jacques Pineault. Des jours et des hommes : Les Trappistes de Mistassini, Mistassini, [s.e.], 1991, p. 11.

Publié le février 16, 2021